La Beauté est en panne
La création mérite parfois un temps de latence et de lactance; un auto-nourrissement pour fomenter du BEAU.
Le temps de gestation effraie parfois; la page blanche est effroi; gouffre face à cette éternité... qui s'éternise.
La sensation devant cet état est révélation: pourquoi se sent-on oppressé lorsque "l'idée" ne vient pas?
Il me semble que, plus que le sentiment d'incapabilité, c'est la culpabilité qui nous soumet à la contrainte de performance distillée par notre Aujourd'hui délétère: on se sent vide, nul par rapport à l'environnement concurrenciel.
Il m'arrive de discuter de sport et de compétition avec quelques contemporains, et je dois avouer que, rétif à me mettre en concurrence avec mon semblable, je perçois la dangerosité galopante de "l'esprit de compétition" qui pullule et sévit dans tous les domaines de l'existence: on doit être performant, même au lit (profit maximum, temps minimum), rentable sous peine d'être éjecté du cercle des gagnants de la Vie.
Et pourtant la création, jusqu'à il y a peu, échappait à ce phénomène par le fait qu'Elle est Inutile, Vie, inhérente à l'humain. Mais voilà, on se doit désormais d'être créatif-avec-résultat, et sont considérés artistes ceux qui réussissent au plus vite... pour mourir au plus vite recyclés par la marchandisation qui se moque de l'humain.
Course à l'abîme qui paralyse la lente montée de la marée créatrice...
Créer un tableau, une sculpture, une chanson, un roman, un meuble, un poème ou un habit, créer en prenant son temps, en se trompant parfois, qu'est-ce sinon la tentative de faire mentir l'adage "le temps c'est de l'argent", ceci en le retournant: l'argent c'est du temps. Le monde du luxe l'a bien compris, monde où l'excellence sait apprivoiser les sabliers et plier les horloges à son désir de perfection pour nous donner un avant-goût de l'Eternité...qui prend tout son Temps.